Juillet 2016, Aux portes de l'Amérique Centrale


Notre mois de juillet n’est qu’une route de plus vers l’inconnu… Le temps de dire au revoir à Olivier et Cathy, Jean-Christophe et Marjorie à la Paz, en Basse-Californie, et nous voici embarqués sur un des navires de Baja Ferries pour une longue nuit de traversée vers le continent… Le continent, c’est cette partie du Mexique que nous ne voyions pas du Ranch Cactimar mais nous regardions bien souvent dans sa direction, au delà de la mer de Cortez. Les derniers temps, c’étaient les orages qu’ils se prenaient sur le coin de la tête que nous admirions. De magnifiques éclairs visibles à des centaines de kilomètres alors que nous profitions encore de la fraîcheur des soirées dans la Baie de La Paz…

Nous pouvons dire que ça a été un peu le choc de débarquer à Mazatlán en ce petit matin du premier jour de juillet… Depuis quelques temps, nous avions inventé un mot qui a tout son sens : se sentir "poite". En gros, c’est moite et ça colle, ça "pègue". Enfin, quand je dis "ça" c’est bien sûr nous, deux petits français, tout juste revenus de la fraîche France où l’été n’était pas encore au rdv… Passer la journée poite, sentir une légère brise mais toujours se sentir poite, prendre sa douche et avoir le sentiment de revivre… 5 minutes car sitôt sec, sitôt poite… Et c’est dans cet état que nous essayions de dormir… Même les brises du Pacifique ne sont pas avec nous. Alors que tous rêvent de chaleur au moment des vacances estivales, à ce moment-là, nous, nous rêvons de fraîcheur. 

Paysage paradisiaque des côtes du Sinaloa. Le coucher de soleil fera-t-il venir la nuit fraîche ?

Après une nuit au nord de Mazatlán, au milieu des fourrés où nous nous sentons en sécurité, nous décidons de partir au sud pour le week-end. Le colis qui doit arriver de France et que nous attendons n’arrivera pas à ce moment-là, alors partons trouver un endroit où nous pourrions nous installer comme chez nous, tout en profitant de l’océan qui pourrait nous rafraîchir un peu. Le sud de Mazatlán se trouve être d’immenses espaces où poussent les manguiers et les cocotiers. C’est le temps de la récolte et tous les jours, les mexicains s’activent à attraper ce qui pend dans les arbres comme des boules de Noël.  De nombreuses pistes s’engouffrent au milieu des cocotiers et pour sûr, vont vers l’océan. Allons trouver notre coin ! 

 Les pistes utilisées par les récolteurs de noix de coco nous amènent tout doit à l'océan !

Nous comprenons vite qu'au Mexique, avec du bon sens bien sûr, nous pouvons nous installer où bon nous semble. 

C’est presque le paradis ! Avec un peu d’ombre et juste la plage à traverser pour aller se plonger dans l’océan chaud, nous respirons et tant pis si nous nous sentons poites, nous pouvons aller sauter dans les vagues dès que nous le voulons. Tant qu’à être là, pourquoi ne pas braconner une noix de coco pour en boire son eau dont nous raffolons… Un regard à gauche, un regard à droite. Personne. C’est parti pour une dégustation de l’arbre au gosier ! Nous qui voulions être discrets, voici qu’une bande de 6 jeunes mexicains arrivent sur 3 motos armés de machettes. Alex part leur demander si ça pose un souci que nous dormions là. Apparemment non, ils ne sont juste pas habitués à voir quelqu’un s’installer là pour camper comme nous le faisons. Puis sans faire de manière, les voici qui grimpent dans les cocotiers pour en faire tomber quelques-unes et s’en régaler. Ils nous invitent à leur festin, nous offrent chacun une noix et ses 75cl d’eau avant d’en préparer la chair tendre avec du sel, du citron et de la sauce pimentée. C’est tellement délicieux que pendant deux jours, nous n’avons mangé que de ça ! 

 Envie de coco frio ? Facile à préparer, aller jeter un coup d’œil dans les recettes !

Je reviens sur le paradis… Çà y ressemblait jusque là… Jusqu’à ce que les petites bêtes effraient les grosses, nous obligeant à nous cloîtrer dans la tente de toit. Et là, nous ne rêvions plus de fraîcheur mais d’une moustiquaire si fine qu’elle aurait pu empêcher toute intrusion. Les "jejenes" (se prononce "rérénes") sont au Mexique ce que les brulots sont au Québec ou les midgies à l’Ecosse… De tous petits moucherons dont on sous-estime la férocité, jusqu’à ce qu’on les rencontre… Et là, plus jamais de la vie on ne veut les rencontrer. Le souci, c’est qu’ils t’ont tellement bien piqué, ou devrais-je dire bombardé, que c’est pendant plus d’une semaine que tu te rappelles de cette rencontre, à te gratter de partout jusqu’au sang.  Il ne nous tarde alors qu’une chose, que ce colis arrive et que nous puissions mettre les voiles et prendre de la hauteur. L’instinct du montagnard nous dit que nous devrions y être bien ! 

 Bien que subissant la chaleur, nous sommes bien contents d'être allé faire un tour dans le vieux Mazatlán

Et tout comme ce pigeon touriste, nous avons bien apprécié la ville !

Arriver à 1000 mètres d’altitude, c’est un peu comme une délivrance. Les fenêtres grandes ouvertes, ça y est, nous avons de l’air !!!  Et nous retrouvons le sourire sur la route qui nous fait découvrir un Mexique bien vert. Dans la terre sombre poussent si bien manguiers, cannes à sucre, maïs… et agave bleu ! Nous ne sommes pas des grands fans de Tequila mais on ne passe pas tous les jours à Tequila ! Nous apprendrons que c’est le cœur qui est distillé et qu’il existe plusieurs types de tequila. Dernièrement, la vente de la tequila vieillie, dite "añejo" (se prononce "agnero") est en pleine croissance. Il faut croire que c’est comme le bon vin ! Forcément, nous repartons avec une bouteille, ça nous tiendra chaud quand enfin nous aurons froid ! 

Les champs d'agave bleu de l'état de Jalisco s'étendent à perte de vue pour régaler les amateurs de Tequila du monde entier

Après 5 ans, le pied d'agave est arraché et son cœur est destiné à être cuit à la vapeur et écrasé avant d'être distillé

Il n’a pas fallu longtemps pour trouver du frais justement. Notre instinct était bon, il fallait grimper en montagne. Ici, la plupart des pics sont des volcans et il se trouve bien souvent qu’une piste mène le plus haut possible. Au Ceboruco, nous avons gagné les 2000 mètres. Seules quelques fumeroles indiquent que le volcan n’est pas vraiment éteint. Nous ne nous tracassons pas par rapport à une éruption pendant notre nuit au milieu du cratère inférieur. Les "jejenes" et les moustiques, il n’y en a plus. Ils doivent avoir le mal des montagnes. Par contre, les vaches… quand nous sommes sur leurs terres, elles nous le font comprendre. Si elles avaient pu s’installer avec nous dans la tente, elles l’auraient fait ! Cette fois les petites bêtes n’ont pas pu faire fuir les grosses !

 Il est bon de retrouver l'air frais pour la nuit dans le cratère du Ceboruca, dans l'état de Nayarit

A 2000 mètres, c’est l’altitude du paradis pour nous à ce moment-là. A plus de 4000 mètres, sur les flancs du Nevado de Toluca, aussi appelé "Xinantécatl", ou face au Popocatepelt en éruption, c’est grandiose ! Mais nos petits corps encore engourdis par les effets de la chaleur sur la côte des jours précédents, demandent encore un peu d’acclimatation. Le manque d’entraînement n’est alors plus responsable de cette nausée que nous avons eue en faisant seulement 200 mètres de dénivelé, c’est seulement le manque habitude à l’altitude. Depuis que nous sommes arrivés au Mexique, nous n’avons pas été beaucoup plus haut que 50 mètres… L’orgueil de Carlos et Maïté est donc sauf ! Malgré tout, nous n’avons pas de mal de crâne, les nuits sont juste peu reposantes. C’est rassurant pour la suite et en particulier pour les hautes altitudes des Andes à venir ! 

 Après une nuit passée à 4200 mètres, nous retrouvons nos doudounes ce 15 juillet au Nevado de Toluca (4680 mètres)

Après avoir passé la nuit là, la vue est parfaite pour le lever de soleil sur le Popocatepelt (5426 mètres) en éruption !

Mais nous arrivons bien vite au bord du grand plateau mexicain et il nous faut redescendre dans les basses terres, là où la saison des pluies bat son plein. Nous avançons sur notre route vers le Nicaragua, au rythme des grosses averses qui se déversent sur les états de Veracruz, de Oaxaca puis du Chiapas. Bien à l’abri derrière notre pare-brise, nous croisons la grande majorité des mexicains trempés jusqu’à l’os, bien habitués à recevoir tous ces centimètres d’eau sur la tête en ce mois de juillet. J’avoue qu’une grosse douche sous la pluie ne nous déplairait pas non plus ! Mais avant de penser à se rafraîchir, il faut surtout penser à être vigilant… Depuis que nous nous sommes rapprochés de la ville de Mexico, le code de la route semble être devenu une vieille règle mise au placard pour de bon. Les mexicains, et en particulier les conducteurs de transport en commun ou de taxi, deviennent créatifs dans leur manière de tracer la route !  Nombreux arborent sur leur véhicule des messages tels que "Dieu est mon chemin" ou "Dieu est avec moi", nous en concluons qu'ils doivent se sentir pousser des ailes et ça les aide à prendre tous les risques pour amener tous leurs passagers à bon port ! 

La difficulté à circuler à Mexico est une raison qui nous a fait éviter la plus grande ville du monde. A taille plus humaine, Puebla, au pied du Popocatepelt actif et du Iztaccíhuatl éteint

Une fois que les routes sont moins assaillies, la tendance serait d’appuyer un peu plus sur l’accélérateur. La route est bonne, nous regardons le paysage, un coup à droite, un coup à gauche… Et là, un « tope » ! Freinage d’urgence, serrage de dents et ouf ça passe dans un gros ébranlement… Les « topes », ce sont les ralentisseurs mexicains qui nous font parfois la surprise, presque invisibles au milieu de la route et qui ne pardonnent pas ! Quand on parle de casse-vitesse, ici ce n’est pas qu’au sens figuré ! Et une fois que nous sommes passés sans casse, nous ne pouvons que penser à des ralentisseurs avec cette morphologie efficace installés en France ? Nous pensons que ça vaudrait bien une petite manifestation, non ? Et peut être même une grève !! En attendant, ça marche vraiment bien et les mexicains peuvent se promener chez eux sans se faire renverser. 

Sur notre route, nous prenons le temps d'une halte dans la verte cité pré-colombienne de Xochicalco

En approchant de la frontière avec le Guatemala, nous sommes heureux de constater que ces derniers temps au Mexique, nous avons fait de très bonnes rencontres, malgré notre rythme rapide pour avaler les kilomètres. L’anonymat nous allait plutôt bien dans les grandes villes, en comparaison avec les regards insistants et assez froids lorsque nous traversions les rues pavées des petits villages avec notre grosse bagnole… Nous avons été plus d’une fois intimidés et gênés de cette distance. Mais nous avons compris qu’il faut bien peu au final pour briser cette glace. Ils n’attendent que ça que nous allions les aborder avec un grand sourire, leur demander un conseil ou un peu d’aide. La générosité, la simplicité, la spontanéité des mexicains avec qui nous avons échangé un peu, les attentions qu’ils ont eues envers nous nous ont beaucoup touchés... Et il nous tarde de revenir au Mexique et d’avoir du temps ! 

Bien arrivés au Nicaragua, nous savourons notre première nuit sous les étoiles ! 

A très bientôt !