Mai 2016, 2 ans de voyage, 2 ans de vie

Rien de tel que 14h d'escale à Mexico City pour donner des nouvelles et mettre en ligne notre dernier article ! Jusque là, quoi de plus normal, les petits galopères sont toujours sur le territoire mexicain. Mais pourquoi ont-ils troqué leur Toyota HJ61 contre un Boeing 787-8 ? Là, vous pouvez davantage vous poser de questions. Et bien, ce n'était pas prévu au programme et le moi de mai n'est pas une période propice pour faire un poisson d'avril... Chose impensable il y a quelques jours, c'est aujourd'hui bien réel, nous rentrons en France ! Il serait d'ailleurs plus juste de dire que nous ne rentrons pas mais que nous allons y passer un peu plus de 3 semaines, en vacances quoi ! Mais  franchement, ce n'est pas très logique de fêter nos deux ans de voyage sur les routes américaines... En France ! Heureusement, nous avons notre billet retour pour la Paz, en Basse-Californie du Sud. 

Direction la France !

Vous avez compris, nous l'avons un peu amer et en même temps, cela marque la fin de galères financières que nous avons depuis plus de 14 mois. Depuis mars 2015, notre banque était "victime" d'une investigation américaine pour des suspicions de blanchiment d'argent. Et oui, ayant regard sur toutes les affaires du monde, ils ont le pouvoir d'engager une enquête qui aura duré plus d'un an mais qui surtout aura obligé tous les clients de la banque à ne pas compter sur leurs économies...  Comme tous les clients, nous n'avons pas eu accès à notre argent pendant cette période. Depuis, l'instance américaine a retiré ses accusations, une nouvelle banque a été créée pour recueillir les comptes "sains" des clients dont nous faisons partie bien sûr ! Ne commencez pas à croire que nous avons quelque chose à voir avec l'argent blanchi en provenance du Venezuela ou de la Mafia chinoise et russe ! 

Riches de milliards d'étoiles !
 
C'est donc pour signer des papiers que nous faisons ce petit aller-retour Mexique/France, étape indispensable pour retrouver un accès normal à nos euros, enfin ! Jusqu'à maintenant, nous avons réussi à bien nous débrouiller tout en nous serrant la ceinture mais nous commençons à ne plus pouvoir y faire de trous supplémentaires pour serrer plus fort ! Le fruit de notre travail canadien, les dollars américains de secours planqués dans la voiture depuis le départ de France, la vente de la tente de toit gagnée grâce à vos votes lors du Photo Contest et enfin le cadeau du centre des impôts canadiens nous ont permis de vivre modestement durant ces 14 mois de banqueroute. Nous sommes contents que cela se termine et finalement, nous sommes contents à l'idée de revoir pas mal de monde en France que nous ne pensions pas voir avant quelques années encore !   

Nous quittons donc quelques temps la Basse-Californie du Sud, avec un pincement au cœur, pour mieux la retrouver dans un peu moins d'un mois ! Alors que notre avion décolle, le soleil se lève tout juste sur la Baja et nous regardons s'éloigner La Paz qui s'éveille de sa fraîche nuit. Une personne nous demandait récemment où nous vivions, s'attendant à ce que nous lui disions d'où nous venions, en France... Nous lui avons répondu spontanément que notre maison, c'est notre voiture et bizarrement, nous nous sentons à la maison là où elle se trouve. Nous laissons donc notre chez-nous au Mexique et c'est bien là que nous nous sentons bien, comme nous l'étions au Canada, puis aux États-Unis. Nous aimons nous dire qu'en ce moment, notre jardin est un jardin de cactus centenaires où scorpions et serpents aiment se promener la nuit, quand les températures fraîches font fuir les lézards. Ceux-là, ils préfèrent les journées ensoleillées qui atteignent en ce moment les 35°C. 

 Petite visite curieuse du matin

Nous ne sommes pas encore reptiles et souffrons parfois un peu de cette chaleur qui nous abat lorsque le soleil est au zénith. Nous avons face à nous un choix des plus difficiles... Nous plonger dans l'eau ou prendre la voiture, ouvrir les fenêtres en grand et rouler à 90km/h nous fait l'effet d'un air climatisé. Ah !!! De l'air !!! Nous nous exclamons en cœur en empruntant l'une des nombreuses pistes qui traversent la Basse-Californie dans sa largeur. Nous quittons les côtes de la Mer de Cortez et la piste grimpe doucement à travers la Sierra. 

  D'air et de poussière au cœur de la Sierra de la Giganta

Dans les montagnes, les missionnaires se sont installés il y a plus de 300 ans là où le désert dévoile ses trésors phréatiques. Telle un oasis, la Mission San Francisco Javier est une des plus belles du Mexique. Les jésuites y ont construit tout un réseau d'irrigation qui leur a permis de produire de nouveaux trésors de vie. Les orangers et les oliviers ont pris racine dans la Sierra, au milieu de champs de maïs et de vignes à l'origine des premiers vins californiens. Quand on quitte la Mission, le désert n'est plus peuplé que de troupeaux de chèvres qui se régalent d’arbustes aussi piquants que les piments mexicains ! Au milieu d'elles, seul un chien veille à leur sécurité comme s'il était l'une d'entre elles.   

Mission San Francisco Javier, petit paradis au cœur de la Sierra

Alors que la piste redescend vers les plaines et l'Océan Pacifique à l'Ouest, nous arrivons dans un nouvel oasis. Les hommes vivent cette fois au pied des palmiers et d'énormes manguiers qui croulent sous des tonnes de mangues en cours de maturation. Ainsi nous découvrons où pousse ce qui fait la base de notre petit déjeuner mexicain ! Alors que nous sommes bien arrivés en France, nombreux sont ceux qui nous demandent ce dont quoi nous avons manqué depuis que nous sommes partis il y a deux ans... Comment vous dire qu'un petit déjeuner de mangues et de crêpes à la cajeta (confiture de lait de chèvre) ne nous fait pas regretter grand chose ! Il paraît que "pour bien aimer un pays, il faut le manger, le boire et l'entendre chanter" (Michel Déon). Nous avons le sentiment que notre vie, nous la croquons à pleines dents ! Nous nous délectons de fruits en masse, ce qui nous vaut de nous lever plusieurs fois par nuit pour veiller à l'arrosage des cactus de notre jardin. 

Les frégates superbes partagent leur jardin avec nous !

Jour après jour, chaque instant de vie nourrit notre curiosité et notre plaisir de découvrir. Il est difficile de ne pas devenir épicurien au Mexique, en particulier lorsque nous regagnons les côtes de la Mer de Cortez. Alors que nous prenons garde à peu dépenser nos pesos, nous n'avons pas besoin de grand chose et nous devenons riches de petits moments si ordinaires ici. Par exemple, le spectacle de la vie de la faune locale est incroyable dès lors que nous y prêtons attention à ce qui se vit juste à côté de nous. Les pélicans nous fascinent, formidables et lourds engins volant tels des B52 en formation. Et puis d'un coup, les oiseaux majestueux deviennent des acrobates maladroits. Ils piquent une tête dans l'eau et d'un coup de bec, se ratatinent à la surface. Un gros loupé dans l'amerrissage ? Non, c'est juste l'heure de la pêche ! 

"Nage" synchronisée dans le ciel mexicain

Dans le grand cirque de la Mer de Cortez, c'est ensuite aux raies de faire leur entrée ! Elles s'élancent au dessus de l'eau comme si elles avaient pris l'élan du fin fond des profondeurs turquoises de la mer. Elles battent des ailes, gracieuses et silencieuses, essayant de gagner l'altitude, peut être les étoiles mêmes ! Puis c'est la chute fracassante et elles s'éclatent sur l'eau de toute leur largeur. Ce n'est pas un concours de vol en fait, c'est un grand concours de plats ! Tout en fermant les yeux, en position horizontale dans la tente de toit, nous nous laissons bercer par leurs "splash" lointains avant que ne débute le concert des animaux nocturnes... Nous comprenons si bien pourquoi le Commandant Cousteau a nommé la Mer de Cortez "l'Aquarium du Monde". Mais pas besoin du masque et du tuba pour se rendre compte que le spectacle est aussi bien dans les eaux turquoises qu'au dessus ! 

Cousine de la raie Manta, la raie Mobula, ce "diable de mer" peut faire jusqu'à 5m d'envergure !

Jour après jour, c'est aussi des rencontres que nous nous "nourrissons". Ne vous inquiétez pas, nous ne croquons toujours pas les jambons des mexicains ! C'est toujours avec un grand plaisir que nous vivons des échanges avec eux et bien souvent, le pur hasard crée une situation qui nous met en bonne relation. C'est par exemple trouver un jeune planté dans le sable avec sa voiture et qui n'arrive plus à en sortir. Matthieu et Jeanne dégonflent les pneus de leur camion pour s'en rapprocher, nous attrapons les sangles, les pelles, puis dégonflons ses pneus à notre tour... Pour le sortir de la situation comme une fleur ! Tout content d'être tiré de là, il court attraper dans son coffre papaye, piments et bières qu'il nous offre tellement reconnaissant. Nous apprendrons plus tard qu'un mexicain ne va pas forcément demander d'aide à un autre mexicain... C'est le risque de découvrir après le coup de main qu'il s'est servi au passage dans ses biens ! Ils se méfient les uns des autres, en particulier depuis que les petits cartels ont été évincés de la grande course aux pesos de la drogue pour se mettre au racket des mexicains au quotidien... 

Notre espagnol progresse, je retrouve les bases de l'apprentissage de cette première langue à l'école. Je me dis souvent que mes profs d'espagnol, la plupart alcooliques, n'ont pas si mal fait leur boulot en fait ! Alex a plus de mal à se battre contre les mots italiens qui s'imposent à lui lorsque nous avons l'occasion de nous exprimer. Malgré la frustration de ne pas pouvoir dire tout ce que nous aimerions dire, de ne pas pouvoir communiquer spontanément, il existe toutefois des sujets de conversation qui permettent tout de suite de fendre la glace ! Le meilleur, c'est le piment ! Nous commençons par demander une recette pour apprendre à les préparer. Puis c'est l'heure du fou rire partagé quand on aborde la question de l'après-piment et de ses trois effets bien localisés ! Enfin, mise en pratique, la dégustation ! Les tabous sont tombés, la porte est maintenant ouverte à une multitude de nouveaux sujets. Il n'y alors que le soleil qui peut nous arrêter dans la discussion. À 40°C, en plein soleil, nos voisins de plage, Andres, Veronica, et leurs enfants s'excusent d'avoir à se retirer pour savourer leur sieste, chose qui est devenue aussi pour nous une institution dans notre quotidien !  

 Ce soir, nous mangeons "picante"

Une fois arrivés à La Paz, c'est Jean-Christophe et Marjorie qui nous accueillent dans leur paradis sauvage au ranch de Cactimar. Mis en relation avec eux par le rédacteur en chef de Mondial 4x4, nous sommes invités à venir partager una cerveza et una limonada. Alors que nous fêtons le 26 mai nos deux ans de voyage, ils fêtent ce même jour leur 10 ans en Basse-Californie. Mexcapade est le fruit de leur amour pour cette région du Mexique qu'ils aiment faire partager. C'est un régal de passer du temps avec eux et d'apprendre de leur longue expérience en Baja. Nous rencontrons aussi Cathy et Olivier, devenus résidents du Mexique il y a plusieurs années. Après avoir vécu en France, s'installer en Baja s'est imposé pour eux comme une évidence. Nous comprenons si bien leur choix et chaque jour qui passe conforte notre propre choix de nous établir ailleurs. Nous savons depuis le départ que nous ne rentrerons pas vivre en France. Aujourd'hui, après deux ans de vie en Amérique du Nord, nous aimons dire que nous sommes en prospection...

 Un jour, ce sera notre tour de trouver notre petit nid !

Mais pour le moment, le temps est celui du marathon des retrouvailles ! Plus nous revoyons nos amis, plus nous apprécions notre séjour en France. C'est bon de vous revoir ! Mais malgré tout,  il nous tarde de retrouver notre chez nous et pour l'instant, il nous attend au Mexique ! 

A très bientôt,

Les Galopères.