Octobre 2016, Fête de notre Automne Mexicain.

Fin septembre, nous arrivions sur la côte Pacifique du Mexique, au Chiapas, tout juste avant la lune noire  du 1er octobre avec laquelle nous n’avions pas spécialement pris rendez-vous… Mais coup de bol, nous étions au bon endroit au bon moment ! Annonciatrice d’une arrivée massive de tortues marines venues pondre sur la plage de leur naissance, c’était pour nous quelque chose que nous n’allions pas manquer ! Bon, l’arrivée n’est pas massive au point que les tortues se retrouvent dans des embouteillages en débarquant sur la plage, mais cela n’empêche pas que ça donne un sacré boulot à toutes ces personnes qui, depuis 1990, travaillent à assurer leur protection dans cet état du Mexique ! Et nous avons décidé de passer quelques temps au campement de tortues de Puerto Arista pour leur donner un coup de main pour récolter les œufs de tortues la nuit sur la plage et libérer les petites tortues à la mer !

Libération des petites tortues en pleine frénésie natatoire

Vous voulez en savoir plus ? Allez découvrir notre article 
"A la rencontre des tortues marines du Chiapas" !

Un peu décalés par ces nuits à sillonner le territoire des tortues, nous essayons ensuite de nous reposer la journée sous le soleil cuisant du Chiapas. Même en octobre, nous continuons à avoir l’impression de suer des litres et des litres d’eau alors que nos corps réclament un peu de fraîcheur qu’est sensée nous apporter l’automne. Nous voyons des photos des uns et des autres, en France, au Canada ou aux États-Unis, qui commencent à sortir leurs doudounes d’automne. Sous ces latitudes tropicales, nous ressentons un peu le manque des 4 saisons, comme un besoin physiologique que notre corps réclame pour pouvoir mieux se reposer. C’est sans parler de ces foutus « jejenes » qu’aucune maille de moustiquaire n’arrête… Les lâches, ils nous attaquent sans bruit et nous offre un souvenir puissamment urticant qui perdure pendant plus d’une semaine. Avec la fatigue et l’irritation, il est temps que nous prenions le large vers des horizons plus frais.

Un petit tour sur la plage et c'est reparti !

Certains rêveraient pour sûr de se retrouver même quelques minutes sur ces plages que nous fréquentons, mais derrière le décor, il y a aussi la réalité de les vivre au quotidien. Et croyez-nous, ce ne sont pas des vacances ! Peut-être que notre sentiment amer vient surtout du fait qu’en ce mois d’octobre, des pannes se déclarent les unes après les autres dans notre petit chez nous. Le panneau solaire que nous utilisions en permanence sous le soleil mexicain a cassé et ne peut plus fonctionner, notre batterie auxiliaire montre plus que des signes de faiblesse alors qu’elle était sensée durer 10 ans. Sans parler de notre chauffage auxiliaire Eberspächer dont le diagnostic n’est pas très bon alors que nous avons changé juste avant l’hiver le système défaillant. Et pour finir, nos deux batteries moteur, changées au Canada il y a tout juste 2 ans, semblent rendre l’âme elles-aussi.

Nous pensions être équipés pour partir des années sur les routes sans avoir de problème. Nous ne pouvons plus aujourd’hui nous permettre de changer tout ce matériel, sachant que nous faisons des économies sur nos économies en vue de nos projets futurs… C’est qu’au bout de la route, il va falloir la gagner la résidence permanente canadienne ! Nous essayerons de faire les réparations que nous pouvons faire et si elles ne sont pas faisables, nous ferons sans. Nous pouvons qualifier certaines pannes comme étant des pannes de « confort ». Ce « confort » va nous manquer mais nous nous adapterons ! Ça va avec le fait de faire une lessive dans la rivière par exemple ! Nous n’avions pas de machine à laver mais comme il n’existe pas de petites économies, un tour de moins à la laverie, c’est toujours ça de gagné pour la suite ! Et puis, ça nous rappelle la Norvège et nos journées lessive. Nous n’étions pas encore devenus des adeptes des laveries automatiques à ce moment là ! Et vous savez le meilleur dans tout ça !? C’est qu’en même temps que la lessive, nous prenons notre bain dans l’eau fraiche ! Et ça, c’est vraiment bon ! 

Notre havre de paix en grimpant sur les hauteurs de Veracruz

Après avoir quitté la côte Pacifique au Chiapas, nous avons pris la direction de l’état de Veracruz, sur la côte Atlantique. Pour la première fois depuis que nous avons quitté Montréal, nous nous retrouvons du côté Est du continent américain. La côte est magnifique, sauvage et la jungle profondément verte. Après quelques jours à camper sur la plage, il est temps que nous prenions de l’altitude. Nous avons notre dose de plage et de chaleurs humides ! Évitant complètement Veracruz, ses immeubles et ses plages sur fréquentées, nous nous retrouvons vite en altitude, dans l’arrière pays où nous trouvons enfin l’automne ! Et nous nous établissons quelques jours sur les flancs de l’ancien volcan Cofre de Perote qui culmine à 4282 mètres. 

Le Cofre de Perote, traduit littéralement le "Coffre de Perote", se dégage des nuages...

Nous nous doutions bien qu'une fois les nuages dissipés, la vue serait magnifique !

Nous trouvons enfin du repos et de la douceur pour nos corps et nos esprits après un petit temps d’acclimatation. Même la nature nous souhaite la bienvenue avec une poussée de bolets qui finissent forcément dans notre poêle, en omelette ! Le temps semble s’être arrêté dans les villages suspendus aux pentes du volcan, ils ne courent pas après les choses, ils vivent au rythme de leurs besoins quotidiens. La fraîcheur de ce mois d’octobre favorise la récolte de bois à travers la montagne et de lourdes bûches viennent charger le dos solides des petites mules mexicaines que nous croisons sur les pistes. 

Sur le chemin du Cofre de Perote, il est là l'Orizaba, le plus haut volcan du Mexique (5670m) !

Ce retour sur le haut plateau mexicain est un immense plaisir. Rien que la vue sur les plus hauts volcans du Mexique est déjà époustouflante. Alors les volcans en toile de fond de la cité précolombienne isolée de Cantona qui fut l’une des plus grandes cités du Mexique dans les années 600 à 900 après JC, c’est tout simplement grandiose ! Il y a pour sûr des sites immanquables dans la longue liste des sites touristiques mexicains comme la fameuse cité de Teotihuacán. Depuis le Canada, nous avons appris à gérer la frustration de ne pas pouvoir aller partout, de ne pas pouvoir tout découvrir. Il nous faudrait 10 vies de toute façon pour cela ! Et encore ! Alors nous n’irons pas à Teotihuacán et nous avons fait le choix d’aller là où peu de gens vont se perdre. Et notre surprise fut immense et mémorable ! 

Voyage dans le temps dans la magnifique cité de Cantona

C’est une cité magnifique. Yuccas et pins s’épanouissent au milieu des ruines d’une cité où tout reste encore à découvrir puisque seulement 1,8% des constructions ont été mises en lumière. Face à un tel spectacle, le terme civilisation prend tout son sens. Nous avons beau avoir scruté l’horizon dans l’espoir de voir apparaître une De Lorean pour nous ramener quelques siècles en arrière, le retour dans le passé ne sera pas possible. Mais l’imagination, ça marche bien aussi et ce site est particulièrement un bon terreau pour lui permettre de grandir et de recréer la vie au milieu de ces vieilles pierres !

Encore une fois seuls, nous imaginons une ville grouillante de vie il y a un peu plus de 1000 ans...

Visite guidée dans la cité ? C'est dans notre article 
"Cantona, merveille de Mesoamérique"

Tout l'album photo est ici !

En arrivant à Puebla par la suite, nous ne pensions pas que nous resterions très longtemps, juste le temps de faire un petit tour en centre-ville pour déguster une des nombreuses spécialités culinaires du coin, faire quelques emplettes de matériel dans ces super magasins qui n’existent que dans les grosses villes… Et puis aussi vite arrivés, aussi vite repartis, nous grimperions de nouveau sur les flancs du Popocatépetl que nous nous étions promis de resaluer de retour à Puebla. Puis finalement, après avoir négocié un bon prix avec le propriétaire d’un camping en pleine ville, ce n’est pas 3 nuits que nous sommes restés mais 6 ou 7 ! L’avantage de stopper quelques jours les moteurs, d’avoir tout à côté, connexion internet, épicerie, tout en ayant la possibilité de souffler et de faire de bonnes rencontres, ça pèse dans la balance. Surtout que nous avons le temps ! Nous avons juste rendez-vous avec la fête des morts à Oaxaca le 31 octobre ! Alors, rien ne sert de réfléchir des heures, quand nous nous sentons bien quelque part. Nous nous sentons un peu comme à la maison pour quelques jours, à prendre de petites habitudes au quotidien, ce que nous apprécions bien en fait. Beaucoup de gens redoutent la routine, elle a du bon souvent, à bonne dose !  

Le temps d'une halte et d'un peu de repos à la Laguna de Achichilca, lac de cratère salé... pour mieux repartir !

Et puis, quand le temps sera venu, nous irons faire la fête à Oaxaca car la fête des morts au Mexique, c’est surtout la fête de la vie ! Il n’y a qu’à voir comment certains ont les yeux qui brillent rien qu’en pensant à toutes ces spécialités sucrées ou salées qui sont préparées pour l’occasion ! Ils ne perdent pas le nord les Mexicains ! 


Hasta luego !

Les Galopères. 

Cantona, la merveille de Mésoamérique


La première chose que nous avons énormément apprécié en arrivant à Cantona, c’est son climat. Comme elle est située sur le haut plateau mexicain, à 2500 mètres d’altitude, il y fait frais et sec. Cette terre est malgré tout considérée comme un « malpaís », un « badland », bref une mauvaise terre et pourtant, à son apogée en terme de population, entre 600 et 900 après JC, cette magnifique cité comptait entre 80 000 et 100 000 personnes. 



Le travail de restauration de la cité n’a commencé que dans les années 1990 et chaque année, l’archéologue Ángel Garcia Cook et son équipe, continuent d’explorer cette ville mystère dont seulement 1,8% sont dévoilés aujourd’hui. Quand nous regardons tout autour, il est évident que la forêt de yuccas qui s’étend à perte de vue cache des kilomètres carrés de ruines encore enfouies. 


Il est clairement établi aujourd’hui que Cantona ne peut être comparée à aucune autre cité de Mesoamérique. Teotihuacán pourrait l’égaler en terme d’urbanisme et de complexité architecturale. Mais il est sûr que Cantona est unique en son genre car elle est reconnue aujourd'hui comme étant la plus grande et la plus complexe. Malgré son établissement sur un terrain rocailleux et hostile, produit d’un déversement de lave volcanique, celui-ci a offert toutefois d’abondantes ressources naturelles favorables au développement de la cité. 



Ce qui fait une de ses particularités, ce sont ses constructions. Ils n’ont utilisé ni ciment ni mortier pour édifier la cité. Elle possède un très important système de voies de communication (4000 rues) et d’unités résidentielles (8000), toutes séparées par des murs. Un immense centre civique et religieux domine la cité qui possédait de nombreux quartiers, chacun possédant lui aussi son propre centre civique et religieux. Ont été aussi découverts 27 terrains de jeu de balle et un nombre incalculable de petites places avec chacune au moins une pyramide. 



La présence aux alentours de gisements d’obsidienne noire en particulier a offert à cette cité la possibilité de progresser de manière exponentielle à des fins commerciales, sociales, technologiques et en terme d’urbanisation. La position géographique de Cantona a énormément favorisé son contrôle sur le commerce entre le Haut Plateau Central et les côtes du Golfe du Mexique.

 



En se promenant à travers les rues et les constructions restaurées, il n’est pas dur d’imaginer l’ampleur de cette cité. Le calme règne aujourd’hui, les pins et les yuccas ont pris possession des lieux et nous donne l’impression d’être dans un immense et magnifique jardin en terrasses. Il devait régner dans le temps une telle effervescence et nous aimerions bien, pour quelques secondes, s’y retrouver pour découvrir à quoi elle ressemblait. 



Dans cette immense ville, aux vues des investigations archéologiques toujours en cours, il est encore impossible de définir quel type de civilisation vivait entre ces murs. Les échanges étaient tels qu’ont été retrouvés des influences de toutes les régions du Mexique. Actuellement, alors que l’on cherche à avoir des certitudes en terme de recherche scientifique, ceux qui sont impliqués dans le travail d’investigation archéologique à Cantona se retrouvent continuellement face à de grands mystères.


Il est impossible d’affirmer des vérités sur cette cité, de sa création, 1000 ans avant JC, jusqu’à son déclin, après les années 1000 après JC. Une hausse des températures pourrait avoir entraîné une grande période de sécheresse, obligeant les habitants de Cantona à partir. Des conflits internes pourraient aussi expliquer son déclin car Cantona était impénétrable. Elle a ainsi été abandonnée et non détruite. 



Pendant presque 2000 ans, cette grande cité a régné sur le Mexique, pendant 1000 ans, elle était ignorée de tous et aujourd'hui, après presque 30 ans de recherche, elle n’a encore livré qu’une partie infime de ses secrets !


Pour plus d'informations, rendez-vous sur le site de l'Institut National d'Anthropologie et d'Histoire du Mexique !

www.inah.gob.mx

Toutes nos photos sont dans notre album 
"Cantona, merveille de Mesoamérique
et sur notre page "Voyage en images" !

A la rencontre des tortues marines au Chiapas


Bien qu'écrire des articles scientifiques ne soit pas notre activité quotidienne, nous sommes partis sur les routes de la découverte en Amérique, animés par les valeurs de l'OING Objectif Sciences International. Après avoir participé à leur formation d’Éducateurs Scientifiques, nous prenons depuis beaucoup de plaisir à partager nos découvertes à travers nos sites ! 

La grande découverte de cet automne 2016 est pour nous le cycle de vie de la tortue marine Golfina qui vient pondre ses œufs sur les plages du Chiapas. Avec la lune décroissante, nous saisissons l'occasion de participer au programme de sauvegarde mis en place au Chiapas, au "campemento tortuguero" de Puerto Arista...

Toute l'équipe du Campamento Tortuguero nous ont accueillis et nous ont fait découvrir leur travail quotidien

Les tortues marines sont apparues il y 110 millions d'années et ont survécu à ce qui a généré l'extinction des dinosaures. Depuis toujours, la santé et le nombre de tortues marines ont été des indices de la "bonne santé" de la mer et des côtes. Depuis que l'homme est apparu, ils se sont nourris des œufs de tortues marines, en particulier les Pómaros, peuple indigène Nahualt. L'équilibre existait et ne menaçait pas l'espèce. Mais, de plus en plus de pressions sur la population de tortues marines sans respect de leur nombre ou de leurs cycles, les ont rendues vulnérables et leur population a commencé sérieusement à diminuer. 

D'une taille de 60 à 70 centimètres et pouvant peser 40 kilogrammes, les tortues Golfina sont les plus petites des tortues marines. Elles sont trouvées dans les mers tropicales où elles pondent, en particulier sur les côtes du Mexique et d'Amérique Centrale et peuvent migrer jusqu'aux régions sub-tropicales comme au Nord du Chili. Elles trouvent leur alimentation dans les récifs coralliens ou les "prairies sous-marines". Se nourrissant aussi bien de poissons, de crevettes que de végétation sous-marine, elles sont considérées comme omnivores. Sachant qu'elles transportent d'une certaine manière une énergie entre la mer et les habitats terrestres, en particulier dans les écosystèmes comme les plages de nidification et leurs alentours, leur disparition pourrait affecter d'autres espèces de faune et de flore qui dépendant d'elles et de leurs œufs pour survivre.

Milagros, "Miracle" est une tortue Golfina femelle recueillie, ayant perdu sa patte avant suite à une prise dans un filet.

La raison numéro 1 de la disparition des tortues marines est en lien avec le cycle de nidification. Le manque d'éducation à la protection de la faune sauvage, le manque d'option de développement socio-économique, le manque de connaissances du cadre juridique en vigueur mais aussi le manque de vigilance des zones côtières font que des nids sont pillés pour la consommation des œufs de tortues. Certaines tortues sont même sacrifiées afin d'extraire directement les œufs. Par exemple, piller un nid rapporte 150 à 600 pesos (7 à 30 euros) pour 12 œufs et permet au pilleur de vivre ainsi que sa famille, mais c'est un délit fédéral. Les zones de nidification et de reproduction sont aussi devenues réduites du fait du développement des infrastructures touristiques et urbaines, générant une contamination des eaux et des plages, aussi bien toxique que physique (sacs plastiques ingérés par exemple mais aussi troncs, branches et autres matériels végétaux rejetés sur les plages, réalisant une barrière physique à la nidification). Une fréquentation excessive des plages par des véhicules motorisés dans les zones touristiques est à l'origine aussi d'un compactage du sable, rendant difficile la réalisation du nid, mais aussi la libération des petites tortues après éclosion. En 20 ans, de 1965 à 1982, sans vigilance, la population de tortues marines dans le monde a été divisée par deux.

C'est l'heure de changer l'eau de Milagros tout en lui refaisant une beauté !

La protection de la tortue marine au Chiapas a débuté en 1990 sous la tutelle du gouvernement mexicain. Ont été établis 3 campements de tortues initiaux auxquels il faut ajouter aujourd'hui un 4ème campement. Les campements de Puerto Arista, Costa Azul, Boca del Cielo et Barra Zacapulco sont administrés aujourd'hui par le Secrétariat de l'Environnement et d'Histoire Naturelle (Secretaría de Medio Ambiante e Historia Natural). Ces 4 campements permettent de couvrir 150 kilomètres de côtes au Chiapas, soit 60% des côtes de l’État. 



Leur projet ? Protéger les tortues marines bien sûr en favorisant le maintien de la diversité biologique des espèces de tortues qui arrivent sur les côtes chiapanecas et de leurs cycles écologiques en élaborant des plans à court et à long terme. La surveillance des plages, la protection des nids et un programme d'éducation destiné à tous font partie des plans d'action mis en place au Chiapas. Et c'est dans ce projet que nous avons pris beaucoup de plaisir à être acteurs pendant une semaine au campement de tortues de Puerto Arista ! Alors, il est temps que nous vous racontions maintenant en quoi ça consiste d'accompagner et d'aider les hommes de la nuit !

La journée est bien calme au campement des tortues. Les visages de ceux que l'on peut rencontrer sont fatigués et d'autres sont étendus de tout leur poids dans un hamac, dans des positions que seul quelqu’un de très fatigué pourrait supporter... La journée est le temps du repos de ces hommes de la nuit. Ils commencent à s'activer au moment du coucher du soleil pour préparer la nuit qui vient, en particulier sur la période de juin à décembre, période à laquelle la tortue Golfina vient pondre sur les côtes. Le temps de vérifier les quads pour les rondes nocturnes, de faire le plein de sacs destinés à la récolte de la nuit à venir, de s'habiller contre le vent, la pluie, le sable et tous engins volants tout à fait bien identifiés puisqu'ils se sont gorgés de notre sang toute la journée, déjà, il est 22 heures. Avaler un bon café, se mettre quelque chose sous la dent et il est temps d'allumer les moteurs. 

Le campement est situé au milieu d'une plage de 35 kilomètres, distance que nous devons couvrir 2 fois pendant la nuit pour ne manquer aucun nid. Le plus souvent, 3 équipes sont nécessaires pour parcourir efficacement la zone sud et la zone nord. Pour notre première sortie, Ruben au guidon de son quad, est notre pilote vers la zone sud. Nous n'avons plus qu'à nous installer de chaque côté de lui en sautant nous assoir sur les ailes du quad. Et nous voilà partis dans la nuit. Après la journée où nous souffrons particulièrement de la chaleur, mal habitués, la nuit s'annonce fraîche et belle. Le temps de traverser la zone touristique de Puerto Arista, ses nombreux restaurants directement installés sur la plage et ses villas de luxe, les lumières commencent à disparaître derrière nous et nous arrivons sur le territoire des tortues...

 Première nuit, première tortue que nous rencontrons et Ruben nous met au parfum


Les tortues Golfina viennent pondre sur la plage où elles sont nées, 2 fois par an environ. Guidées par l'instinct et l'obscurité des lieux, une vague les dépose sur la plage où lentement, poussant de toute leur force sur leurs 4 pattes palmées, elles rejoignent là où elles déposeront leurs précieux œufs. Une fois que l'emplacement de leur nid est trouvé, si elles n'ont pas été dérangées dans leur ascension sur la plage, elles commencent à creuser à l'aide de leurs pattes arrières, entrant dans une sorte de transe où il n'existe plus pour elles que le besoin de libérer la vie. Il faut les voir faire quand elles creusent avec tant d'énergie et d'obstination ce trou profond de 40 à 50 centimètres.

 
En pleine préparation du nid

Le nid est fait, elle est prête à pondre maintenant 

Quand nous avons la chance d'arriver alors auprès d'elles, nous nous rapprochons doucement et prenons le temps de la regarder faire, gardant une distance respectueuse. Puis, quand le nid est prêt, elle s'immobilise et commence à déposer un à un ses œufs. C'est le signal, Alexandre peut aller les chercher, se plaçant juste derrière elle et glissant son bras dans le nid chaud et humide pour en retirer les œufs et les placer dans un sac à cet effet. La récolte se fait au rythme des œufs qu'elle pond, jusqu'à ce que, nouveau signal, elle commence à vouloir pousser vers le trou le sable à l'aide de ses pattes arrières tout en tapotant de manière à tasser le sable au-dessus du nid. Elle a fini de pondre, le comptage est terminé et nous avons récolté entre 80 et 130 œufs que nous allons pouvoir mettre en sécurité maintenant. 


Parfois, nous ne rencontrons pas la tortue, mais dans notre ronde, nous distinguons les traces fraîches de son aller/retour sur la plage. Là où elle a fait son nid, nous remarquons une zone d'environ 1,5 mètres de diamètre, remuée puis aplanie, Ruben sait qu'il y a un nid et commence à sonder avec un bâton. Comme s'il existait comme un vide au niveau du nid, son bâton s'enfonce d'une certaine manière et il sait que les œufs attendent là. Il n'y a plus qu'à creuser et récolter ce nouveau nid. 

 Une tortue est passée par là !

 Puis elle est partie retrouver la mer et ses migrations

Après environ 4 heures de récolte et de surveillance de la plage, car nous tombons aussi sur des nids pillés avec des traces d'hommes fraîches, nous revenons au campement de tortues où nous attend un tout autre travail. C'est à nous de creuser dans le sable tout comme la tortue pour préparer un nouveau nid dans un espace où tous les nids récoltés sont mis en sécurité. Pour chaque nid, nous vidons un sac plein d’œufs avant de le refermer pour terminer correctement le travail de la tortue. Les œufs situés dans le nid à une température de 26°C environ deviendront des mâles. A 32°C, ce seront des femelles. Il n'y a plus qu'à aller se reposer 30 minutes ou 2 heures avant de repartir pour la deuxième ronde de la nuit. Pour notre première nuit avec Ruben, nous reviendrons de notre virée au nord avec le jour se levant et ayant récolté ensemble 35 nids.

 La maternité

Ce qu'il se passe ensuite ? Chaque nid est matérialisé par un petit dôme de sable auquel est associé un panneau avec la date d’éclosion prévue et le nombre d’œufs présents dans le nid. Les œufs nécessitent de 45 à 55 jours d'incubation avant d’éclore. 40 jours après la récolte est disposée une sorte de cloison destinée à contenir l'éclosion. Tous les œufs n’éclosent pas, mais environ 88% aujourd'hui des petites tortues s'animent le jour de leur naissance, dans un état de "nage frénétique". Il faut les voir faire, toutes ces petites tortues regroupées dans une caisse qui battent de leurs 4 petites pattes palmées pour rejoindre au plus vite la mer. C'est un travail de fin de journée le plus souvent que de libérer toutes ces petites tortues hyperactives, les aidant bien souvent à attraper la vague qui les mènera vers le large. Les prédateurs de la plage sont ainsi évités mais d'autres les attaqueront dans l'eau et leur vie commence durement car sur 1000 libérées, seulement 1 à 3 deviendront un jour adultes... Ce sont les lois de la nature. En tout cas, après cette expérience, nous ne pouvons que vous dire "allez-y !" vous aussi pour participer à ce beau moment de la vie de la terre ! 

Libération des tortues, par Eliana et Ruben

Ainsi, en 2011, pour vous donner quelques chiffres et apprécier le travail ardu des protecteurs des tortues marines :
- 6102 nids ont été récupérés sur les plages du Chiapas,
- 597 260 œufs de tortues Golfina ont été récoltés,
- 465 242 petites tortues ont été libérées à la mer (en moyenne, 84% des œufs récoltés),
- 1014 nids ont été pillés (soit 99258 œufs), c'est à dire 14% de la totalité des nids (50% des nids avaient été pillés en 2001). 


https://youtu.be/ominzUMs9So
 Cliquez sur la photo pour découvrir notre vidéo
 "Protection de la tortue marine au Chiapas, Mexique"

Juillet 2016, Aux portes de l'Amérique Centrale


Notre mois de juillet n’est qu’une route de plus vers l’inconnu… Le temps de dire au revoir à Olivier et Cathy, Jean-Christophe et Marjorie à la Paz, en Basse-Californie, et nous voici embarqués sur un des navires de Baja Ferries pour une longue nuit de traversée vers le continent… Le continent, c’est cette partie du Mexique que nous ne voyions pas du Ranch Cactimar mais nous regardions bien souvent dans sa direction, au delà de la mer de Cortez. Les derniers temps, c’étaient les orages qu’ils se prenaient sur le coin de la tête que nous admirions. De magnifiques éclairs visibles à des centaines de kilomètres alors que nous profitions encore de la fraîcheur des soirées dans la Baie de La Paz…

Nous pouvons dire que ça a été un peu le choc de débarquer à Mazatlán en ce petit matin du premier jour de juillet… Depuis quelques temps, nous avions inventé un mot qui a tout son sens : se sentir "poite". En gros, c’est moite et ça colle, ça "pègue". Enfin, quand je dis "ça" c’est bien sûr nous, deux petits français, tout juste revenus de la fraîche France où l’été n’était pas encore au rdv… Passer la journée poite, sentir une légère brise mais toujours se sentir poite, prendre sa douche et avoir le sentiment de revivre… 5 minutes car sitôt sec, sitôt poite… Et c’est dans cet état que nous essayions de dormir… Même les brises du Pacifique ne sont pas avec nous. Alors que tous rêvent de chaleur au moment des vacances estivales, à ce moment-là, nous, nous rêvons de fraîcheur. 

Paysage paradisiaque des côtes du Sinaloa. Le coucher de soleil fera-t-il venir la nuit fraîche ?

Après une nuit au nord de Mazatlán, au milieu des fourrés où nous nous sentons en sécurité, nous décidons de partir au sud pour le week-end. Le colis qui doit arriver de France et que nous attendons n’arrivera pas à ce moment-là, alors partons trouver un endroit où nous pourrions nous installer comme chez nous, tout en profitant de l’océan qui pourrait nous rafraîchir un peu. Le sud de Mazatlán se trouve être d’immenses espaces où poussent les manguiers et les cocotiers. C’est le temps de la récolte et tous les jours, les mexicains s’activent à attraper ce qui pend dans les arbres comme des boules de Noël.  De nombreuses pistes s’engouffrent au milieu des cocotiers et pour sûr, vont vers l’océan. Allons trouver notre coin ! 

 Les pistes utilisées par les récolteurs de noix de coco nous amènent tout doit à l'océan !

Nous comprenons vite qu'au Mexique, avec du bon sens bien sûr, nous pouvons nous installer où bon nous semble. 

C’est presque le paradis ! Avec un peu d’ombre et juste la plage à traverser pour aller se plonger dans l’océan chaud, nous respirons et tant pis si nous nous sentons poites, nous pouvons aller sauter dans les vagues dès que nous le voulons. Tant qu’à être là, pourquoi ne pas braconner une noix de coco pour en boire son eau dont nous raffolons… Un regard à gauche, un regard à droite. Personne. C’est parti pour une dégustation de l’arbre au gosier ! Nous qui voulions être discrets, voici qu’une bande de 6 jeunes mexicains arrivent sur 3 motos armés de machettes. Alex part leur demander si ça pose un souci que nous dormions là. Apparemment non, ils ne sont juste pas habitués à voir quelqu’un s’installer là pour camper comme nous le faisons. Puis sans faire de manière, les voici qui grimpent dans les cocotiers pour en faire tomber quelques-unes et s’en régaler. Ils nous invitent à leur festin, nous offrent chacun une noix et ses 75cl d’eau avant d’en préparer la chair tendre avec du sel, du citron et de la sauce pimentée. C’est tellement délicieux que pendant deux jours, nous n’avons mangé que de ça ! 

 Envie de coco frio ? Facile à préparer, aller jeter un coup d’œil dans les recettes !

Je reviens sur le paradis… Çà y ressemblait jusque là… Jusqu’à ce que les petites bêtes effraient les grosses, nous obligeant à nous cloîtrer dans la tente de toit. Et là, nous ne rêvions plus de fraîcheur mais d’une moustiquaire si fine qu’elle aurait pu empêcher toute intrusion. Les "jejenes" (se prononce "rérénes") sont au Mexique ce que les brulots sont au Québec ou les midgies à l’Ecosse… De tous petits moucherons dont on sous-estime la férocité, jusqu’à ce qu’on les rencontre… Et là, plus jamais de la vie on ne veut les rencontrer. Le souci, c’est qu’ils t’ont tellement bien piqué, ou devrais-je dire bombardé, que c’est pendant plus d’une semaine que tu te rappelles de cette rencontre, à te gratter de partout jusqu’au sang.  Il ne nous tarde alors qu’une chose, que ce colis arrive et que nous puissions mettre les voiles et prendre de la hauteur. L’instinct du montagnard nous dit que nous devrions y être bien ! 

 Bien que subissant la chaleur, nous sommes bien contents d'être allé faire un tour dans le vieux Mazatlán

Et tout comme ce pigeon touriste, nous avons bien apprécié la ville !

Arriver à 1000 mètres d’altitude, c’est un peu comme une délivrance. Les fenêtres grandes ouvertes, ça y est, nous avons de l’air !!!  Et nous retrouvons le sourire sur la route qui nous fait découvrir un Mexique bien vert. Dans la terre sombre poussent si bien manguiers, cannes à sucre, maïs… et agave bleu ! Nous ne sommes pas des grands fans de Tequila mais on ne passe pas tous les jours à Tequila ! Nous apprendrons que c’est le cœur qui est distillé et qu’il existe plusieurs types de tequila. Dernièrement, la vente de la tequila vieillie, dite "añejo" (se prononce "agnero") est en pleine croissance. Il faut croire que c’est comme le bon vin ! Forcément, nous repartons avec une bouteille, ça nous tiendra chaud quand enfin nous aurons froid ! 

Les champs d'agave bleu de l'état de Jalisco s'étendent à perte de vue pour régaler les amateurs de Tequila du monde entier

Après 5 ans, le pied d'agave est arraché et son cœur est destiné à être cuit à la vapeur et écrasé avant d'être distillé

Il n’a pas fallu longtemps pour trouver du frais justement. Notre instinct était bon, il fallait grimper en montagne. Ici, la plupart des pics sont des volcans et il se trouve bien souvent qu’une piste mène le plus haut possible. Au Ceboruco, nous avons gagné les 2000 mètres. Seules quelques fumeroles indiquent que le volcan n’est pas vraiment éteint. Nous ne nous tracassons pas par rapport à une éruption pendant notre nuit au milieu du cratère inférieur. Les "jejenes" et les moustiques, il n’y en a plus. Ils doivent avoir le mal des montagnes. Par contre, les vaches… quand nous sommes sur leurs terres, elles nous le font comprendre. Si elles avaient pu s’installer avec nous dans la tente, elles l’auraient fait ! Cette fois les petites bêtes n’ont pas pu faire fuir les grosses !

 Il est bon de retrouver l'air frais pour la nuit dans le cratère du Ceboruca, dans l'état de Nayarit

A 2000 mètres, c’est l’altitude du paradis pour nous à ce moment-là. A plus de 4000 mètres, sur les flancs du Nevado de Toluca, aussi appelé "Xinantécatl", ou face au Popocatepelt en éruption, c’est grandiose ! Mais nos petits corps encore engourdis par les effets de la chaleur sur la côte des jours précédents, demandent encore un peu d’acclimatation. Le manque d’entraînement n’est alors plus responsable de cette nausée que nous avons eue en faisant seulement 200 mètres de dénivelé, c’est seulement le manque habitude à l’altitude. Depuis que nous sommes arrivés au Mexique, nous n’avons pas été beaucoup plus haut que 50 mètres… L’orgueil de Carlos et Maïté est donc sauf ! Malgré tout, nous n’avons pas de mal de crâne, les nuits sont juste peu reposantes. C’est rassurant pour la suite et en particulier pour les hautes altitudes des Andes à venir ! 

 Après une nuit passée à 4200 mètres, nous retrouvons nos doudounes ce 15 juillet au Nevado de Toluca (4680 mètres)

Après avoir passé la nuit là, la vue est parfaite pour le lever de soleil sur le Popocatepelt (5426 mètres) en éruption !

Mais nous arrivons bien vite au bord du grand plateau mexicain et il nous faut redescendre dans les basses terres, là où la saison des pluies bat son plein. Nous avançons sur notre route vers le Nicaragua, au rythme des grosses averses qui se déversent sur les états de Veracruz, de Oaxaca puis du Chiapas. Bien à l’abri derrière notre pare-brise, nous croisons la grande majorité des mexicains trempés jusqu’à l’os, bien habitués à recevoir tous ces centimètres d’eau sur la tête en ce mois de juillet. J’avoue qu’une grosse douche sous la pluie ne nous déplairait pas non plus ! Mais avant de penser à se rafraîchir, il faut surtout penser à être vigilant… Depuis que nous nous sommes rapprochés de la ville de Mexico, le code de la route semble être devenu une vieille règle mise au placard pour de bon. Les mexicains, et en particulier les conducteurs de transport en commun ou de taxi, deviennent créatifs dans leur manière de tracer la route !  Nombreux arborent sur leur véhicule des messages tels que "Dieu est mon chemin" ou "Dieu est avec moi", nous en concluons qu'ils doivent se sentir pousser des ailes et ça les aide à prendre tous les risques pour amener tous leurs passagers à bon port ! 

La difficulté à circuler à Mexico est une raison qui nous a fait éviter la plus grande ville du monde. A taille plus humaine, Puebla, au pied du Popocatepelt actif et du Iztaccíhuatl éteint

Une fois que les routes sont moins assaillies, la tendance serait d’appuyer un peu plus sur l’accélérateur. La route est bonne, nous regardons le paysage, un coup à droite, un coup à gauche… Et là, un « tope » ! Freinage d’urgence, serrage de dents et ouf ça passe dans un gros ébranlement… Les « topes », ce sont les ralentisseurs mexicains qui nous font parfois la surprise, presque invisibles au milieu de la route et qui ne pardonnent pas ! Quand on parle de casse-vitesse, ici ce n’est pas qu’au sens figuré ! Et une fois que nous sommes passés sans casse, nous ne pouvons que penser à des ralentisseurs avec cette morphologie efficace installés en France ? Nous pensons que ça vaudrait bien une petite manifestation, non ? Et peut être même une grève !! En attendant, ça marche vraiment bien et les mexicains peuvent se promener chez eux sans se faire renverser. 

Sur notre route, nous prenons le temps d'une halte dans la verte cité pré-colombienne de Xochicalco

En approchant de la frontière avec le Guatemala, nous sommes heureux de constater que ces derniers temps au Mexique, nous avons fait de très bonnes rencontres, malgré notre rythme rapide pour avaler les kilomètres. L’anonymat nous allait plutôt bien dans les grandes villes, en comparaison avec les regards insistants et assez froids lorsque nous traversions les rues pavées des petits villages avec notre grosse bagnole… Nous avons été plus d’une fois intimidés et gênés de cette distance. Mais nous avons compris qu’il faut bien peu au final pour briser cette glace. Ils n’attendent que ça que nous allions les aborder avec un grand sourire, leur demander un conseil ou un peu d’aide. La générosité, la simplicité, la spontanéité des mexicains avec qui nous avons échangé un peu, les attentions qu’ils ont eues envers nous nous ont beaucoup touchés... Et il nous tarde de revenir au Mexique et d’avoir du temps ! 

Bien arrivés au Nicaragua, nous savourons notre première nuit sous les étoiles ! 

A très bientôt !